Stéphan Gaubert, chef d’orchestre aux Victoires de la Musique

Interview portrait de Stéphan Gaubert, directeur d’orchestre aux Victoires de la Musique et directeur artistique du conservatoire Rachmaninov de Paris. 

Stéphan Gaubert

Directeur d’orchestre réputé pour diriger l’ensemble orchestral des Victoires de la Musique sur France Télévisions, Stéphan Gaubert a également participé à l’enregistrement d’autres célèbres émissions télévisées musicales comme La Nouvelle Star ou Danse avec Les Stars. Pointure du monde musical médiatique français, Stéphan Gaubert est aujourd’hui directeur artistique et vice-président du conservatoire Rachmaninov à Paris. Orchestration et mise en place d’un orchestre selon Stéphan Gaubert : zoom sur le métier d’arrangeur et chef d’orchestre.

Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans ce métier de chef d'orchestre ? 

Je suis moi-même issu d'une famille de musiciens. Mon père est orchestrateur* et chef d’orchestre. Donc pour moi, enfant, la musique, c'était un peu comme l'école, tout simplement. Finalement, c'est venu assez rapidement.

*NDLR : un orchestrateur est chargé de transcrire et de mettre en forme une idée d’harmonie d’un orchestre. Des allers-retours sont souvent effectués entre l’orchestrateur et les compositeurs pour aller dans le sens de la composition originale.

Avez-vous été inspiré par des compositeurs ?

Oui, comme beaucoup de musiciens. Après, cela va dépendre de l’étude des styles. Lorsque l’on intègre le Conservatoire de Paris, d'abord, on apprend à harmoniser ou à écrire. Ensuite, on apprend à écrire dans le style des compositeurs. Moi, par exemple, j'ai passé mon prix dans le style de Ravel et Mozart. On vous apprend à imiter. Comme disait Ravel, justement, “Imitez ! Si vous avez du talent, il ressortira !”. Pour composer, il est nécessaire de maîtriser le langage musical dans son champ le plus vaste possible. 

À quel âge avez-vous pratiqué un instrument pour la première fois ?

Je ne m'en souviens même pas. J'étais enfant, c'était mon père qui me donnait des cours. Quand j’ai commencé mes premières notes au piano, il me mettait trois couleurs sur les touches. Je dirais que c’était vers six ou sept ans, dans ces eaux-là.

Comment décririez-vous une journée de préparation pour l’enregistrement des Victoires de la Musique ?

Les Victoires de la Musique, c'est une des émissions qui a la chance d’avoir les moyens de ses ambitions, ce qui devient de plus en plus rare. Parce qu'on a la possibilité d'avoir deux jours de répétition d'orchestre où on ne s'occupe que de la musique. Et après, on est avec les artistes sur scène à partir du mardi, mercredi, jeudi et le vendredi. Pendant trois jours, on répète avec les musiciens et après, on fait une filée le vendredi avec le direct le soir, ce qui n'existe plus du tout. Comme tout le monde essaye de tirer au maximum sur les budgets pour être le plus rentable possible, on se retrouve souvent à avoir moins de répétitions. Les Victoires, c’est un programme qui laisse davantage de possibilités et une plus grande ambition au niveau de la création. 

Pendant les Victoires de la Musique, on peut s’amuser avec les chansons comme nulle part ailleurs car il y a un vrai espace de liberté. C'est aussi l'avantage de cette émission, il s’agit de la plus grosse émission de musique qui existe dans le paysage audiovisuel français, donc on ne lésine pas sur les moyens. En plus de ça, il y a une vraie recherche de qualité qu’il n'y a pas forcément sur les autres émissions.

Les Victoires de la Musique sont aussi là pour favoriser la découverte. Christine And The Queens a notamment réussi à exploser grâce à ça, Clara Luciani aussi, elle s’est un peu révélée aux Victoires. Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'artistes qui ont la chance d'être révélés grâce à ce programme, parce que finalement, c'est la seule émission qui va récompenser des artistes et ces artistes sont récompensés par la profession. Ce n'est pas du voting via le public : ce sont les professionnels qui votent.

Sur un enregistrement orchestral de ce type, combien d'instruments sont mobilisés ?

Je compte au total une trentaine de musiciens composés de plusieurs instruments : guitare, basse, batterie et deux claviers. J'ai également des rythmiques, des premiers, des seconds, des altos et violoncelles, un orchestre à cordes et une formation de cuivres.

Et vous, à titre personnel, combien d'instruments maîtrisez-vous de manière professionnelle ?

Vous n'êtes pas les premiers à me poser cette question. L'important, quand on a une approche de l'orchestration, ce n'est pas la technique proprement dite de jouer d'un instrument. C'est d'en connaître les intensités, le volume et de savoir que dans telle tessiture, tel instrument, il peut y avoir des difficultés au niveau de l'agilité, mais aussi de son volume par rapport aux autres. Par exemple, si vous écrivez une flûte dans le grave qui joue un vrai mouvement important et que vous vous amusez à mettre des trompettes et des trombones dans la même tessiture, vous n'avez aucune chance d'entendre votre flûte dans le grave. Savoir orchestrer, c'est connaître les équilibres naturels de l'orchestre. Par ailleurs, la vélocité et l’agilité de la flûte sont sans comparaison avec celles du trombone.

Quelles sont les qualités d’un bon orchestrateur ? 

Il faut commencer par observer ce qu'ont fait nos maîtres pour avoir une chance d'avoir une bonne compréhension de ce qu'est un orchestre. Il ne suffit pas de programmer dans un ordinateur et puis de se contenter de faire jouer les musiciens. Vous aurez une fausse image de la réalité acoustique des instruments et surtout, vous n'aurez pas le propre de l'écriture même des instruments, de l'utilisation que l'on peut en faire dans tel ou tel contexte.

Il y a plusieurs rapports à considérer lorsque vous allez avoir une orchestration à réaliser. Tout d’abord, vous avez le rapport au temps (le rythme), le rapport à l'élément mélodique qui va être au premier plan et le rapport au fond (l’harmonie). Et souvent, ce qu'on oublie, c'est ce rapport. C'est-à-dire ce qui va créer l'écrin autour de tout ça et qui va l'accompagner. À partir de ça, vous allez peut-être avoir la chance d'avoir une lisibilité orchestrale intéressante.

En tant qu’orchestrateur, avez-vous des astuces techniques pour vous adapter à tous les instruments d’un orchestre ?

Bien sûr. J’avais un prof, Pierre Jansen, un compositeur qui a créé la musique de tous les films de Chabrol, qui nous expliquait qu’en fait, l'orchestration, ce n'était pas une science, mais un savoir-faire. Et c’est vrai, c'est par l'expérience et par la lecture d’œuvres que l'on commence à entrevoir les possibilités de l'orchestre.

Ce qui est important, c’est de prendre le temps de lire des partitions d’orchestres : les orchestrations de nos contemporains John Williams ou John Corigliano dans la musique contemporaine, mais aussi des compositeurs plus classiques comme Mozart ou Beethoven. 

Je dirais qu’au niveau de l'orchestration, il faudrait commencer par Mozart et aller progressivement jusqu'à nos jours. L’idée, c'est d’avoir un panel de couleurs différentes et de connaître la façon de pouvoir les utiliser à bon escient dans son travail. 

La musique, c’est un peu comme la peinture : le dessin de départ va prendre sa vraie dimension à partir du moment où vous avez une connaissance de l’ensemble de l’architecture d’un tableau. En ayant une approche globale de toutes les techniques de la peinture, vous vous octroyez une petite chance de faire quelque chose qui a du sens.

Dans quel cadre avez-vous découvert l'application Newzik ?

J’ai découvert Newzik grâce à un copain, Loïc Pontieux, qui est batteur et a joué sur les tournées de Véronique Sanson. Loïc m'a dit : “Il y a une super application. En plus, c'est une start-up française.” Du coup, j'ai pris rendez-vous avec eux. À l'époque, on faisait Nouvelle Star, c'était il y a environ dix ans. C’était la première fois que l’on prenait des iPads. Imaginez-vous : il y a dix ans, faire toute une émission en direct en mettant toutes nos partitions sur des iPads ! À cette époque, tout le monde avait peur. 

C'étaient les premiers grands iPads sur lesquels on pouvait vraiment lire la musique. Et donc, on a essuyé les plâtres ensemble. Eux, ils venaient parce que ça leur apprenait beaucoup de choses sur notre façon de travailler, et moi, je trouvais ça bien. Il y a plusieurs raisons à ça. Vous savez qu'on utilise beaucoup de papier. À chaque émission, on va faire des partitions pour tout le monde et puis on va tout jeter à la poubelle. 

Avez-vous observé des évolutions dans votre pratique musicale grâce à l’application ?

J’ai pu observer de vrais changements. Prenons l’exemple d’un chanteur qui tomberait malade et dont la tonalité aurait changé. Avec Newzik, le gros avantage, c’est que l’on peut transposer sa tonalité en temps réel. Ça, c'est un gros plus.

On peut prendre ce qu'on appelle le chiffrage américain et le transposer sur plus d'un demi-ton. Ça fait gagner un temps fou et d’autant plus depuis qu’on a toutes nos partitions qui sont directement dans des logiciels. Donc, au moment où je vais faire une transposition, si j'ai certaines notes, à l’aide de logiciels de notation externes, je vais pouvoir les changer et j'extrais tout de suite les PDF pour les partager directement à l'orchestre. Ainsi, chaque musicien les reçoit en temps réel dans son application Newzik. 

Cela évite de tout imprimer ! En cas de petit changement de tonalité ou de notes, vous récupérez directement votre calque avec vos annotations et coups d’archet que vous appliquez sur vos partitions. 

Vous arrive-t-il d’annoter vos partitions pendant l’enregistrement d’une émission ?

Souvent, lorsque je suis en orchestre, je suis très sollicité. Et s'il y a le chanteur qui est là, il faut s'en occuper. Mon copiste va gérer cet aspect-là, pour que je puisse continuer à travailler et il se charge de me faire un nouvel export. Il m'envoie l’endroit où tout a été exporté via un outil comme Dropbox. J’enregistre les partitions dans l’application Newzik et je partage ensuite les documents directement en airdrop à tout l'orchestre. Sans Newzik, vous allez devoir recopier à la main depuis le début. Avec l’application, vous récupérez votre calque en un clic que vous appliquez sur la nouvelle partition.

Il y a aussi l’aspect pratique du gain de temps pour tourner la page d’une partition avec la pédale.

Quelle est votre fonctionnalité préférée dans l’outil Newzik ? 

Sans hésitation, la transposition. La possibilité de passer en XML et d’avoir juste dans l’instant sa grille tout de suite transposée et de pouvoir tout de suite jouer avec le chanteur quitte à mettre ensuite tout au propre est pour moi la fonction principale qui fait la force de Newzik.

De manière générale, tout est fait en urgence : la force de Newzik, c’est de permettre de procéder à des changements et à des transpositions sur les partitions en un rien de temps.

Avez-vous vécu un moment marquant lors de vos enregistrements des Victoires de la Musique ?

Ce qui nous marque, ce ne sont pas les souvenirs techniques, mais surtout les moments artistiques. Je me souviens par exemple du passage de l’artiste révélation November Ultra. Elle était hyper émue, elle a versé une larme. Ça calme tout l'orchestre, ce genre de choses. Il y a eu une vraie émotion qui s’est passée lors de la répétition.

Un dernier mot à ajouter au sujet de votre utilisation de Newzik ?

Oui, il y a un truc très important. C’est marrant, mais quand j’ai commencé à utiliser Newzik, il y a 10 ans, je n’ai pas eu besoin de lunettes. Le fait de pouvoir zoomer à notre guise sur une partition, dans le détail, de pouvoir voir une disposition rapidement par groupe, c'est un vrai avantage comparé au papier.

On n'est pas obligé, au moment où on dirige, d'avoir le détail. Mais lorsqu'on rencontre peut-être une coquille, l'avantage, c'est qu'on la voit assez rapidement en l’agrandissant sur l’écran, plutôt que de se pencher sur la feuille.

 

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