Giacomo Puccini
Chaque mois nous avons la chance d’interviewer un compositeur qui a marqué l’histoire de par ses œuvres et son influence dans le monde de la musique. Cela nous permet d’en connaître un peu plus sur leur histoire, leur vie et leurs ambitions. Mais ce n’est pas tout ! Ils vous partagent également des partitions gratuites de leurs œuvre les plus admirées pour votre bibliothèque Newzik ! Ce mois-ci nous sommes heureux de recevoir un compositeur italien, Giacomo Puccini.
Giacomo a préparé toute une playlist pour les utilisateurs de Newzik. N’hésitez pas à aller jeter un coup d’oeil, ça vaut le détour !
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Compositeur du mois : Giacomo Puccini
“Vous verrez que j’ai raison”. Voilà ce que j’écrivais au lendemain de la première de Madame Butterfly. Même si je quittai la Scala de Milan sous les sifflements de spectateurs ayant trouvé mon opéra indigeste, cette œuvre n’en reste pas moins une de mes plus grandes fiertés. Ce public ne méritait pas ma musique : lors de cette scène où l’on entend des chants d’oiseau, le public s’esclaffait et imitait des cris de basse-cour. Nul besoin de vous dire que je n’ai pas passé une très bonne soirée.
Ne voyez pas dans mon propos une dégoulinante vantardise. Que ce soit Tosca, ou La Bohème, mes opéras ont toujours été victimes d’un dur jugement. Pour autant, ils trouvèrent systématiquement leur public et quoiqu’il en soit, je fus le nouvelle ambassadeur de la musique italienne, après Verdi.
Le problème là-dedans, était que je n’ai jamais trop aimé travailler. Alors quand mes opéras sont critiqués, la moindre des choses serait de les revoir pour essayer de les améliorer - même si, encore une fois, la critique a souvent tort. Or cela représente du travail en plus. Déjà petit, on disait de moi que j’étais brillant mais un poil paresseux. En grandissant je trouvais mon compte plutôt dans les lieux de plaisir de ma ville natale, Lucques, que derrière le pupitre de l’école. Puis, à Milan, alors que je commençais l’étude de la composition, je me trouvais parmi les meilleurs élèves, mais ma paresse ne s’arrangeait pas. Mon professeur Amilcare Ponchielli écrivait à mon sujet : “J’en serais totalement satisfait s’il se montrait plus régulier dans l’effort.”
Tosca
Tosca est un opéra en trois actes, basé sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosca, d’après la pièce de Victorien Sardou. Il fallut plus de dix ans à Puccini pour obtenir l’autorisation de l’auteur pour cette adaptation.
Puccini est célèbre notamment pour son penchant pour le vérisme. C’est un mouvement artistique comparable au réalisme français, posant comme principe que l’auteur doit s’inspire de la vérité. Les opéras découlant de ce mouvement tirent leurs intrigues de situations quotidiennes et le héros est le plus souvent un homme du peuple, “simple”, aux antipodes du héros mythique wagnérien. Tosca s’inscrit plutôt bien dans ce style en ce qu’on y trouve des éléments purement véristes en son sein. Le début de l’acte III est marqué par le son des cloches de la ville de Rome. On y entend aussi une véritable chanson de berger en dialecte romain où l’on peut entendre les clochettes des moutons. La voix du chanteur interprétant Tosca est également typiquement vériste : un soprano puissant dans le médium, vaillant dans l’aigu et dense dans le grave.
On trouve toutefois dans Tosca certaines influences du drame wagnérien, avec l’utilisation de leitmotives et d’une écriture harmonique chromatique.
Etant étudiant à Milan, je vivais une véritable une vie de bohème. On pense souvent que je me promenais la chemise entrouverte et les cheveux en bataille, mais on me qualifiait de scapigliato (ébouriffé en italien) au sens figuré : je faisais partie du mouvement intellectuel de la Scapigliatura. Bien que pour beaucoup issus de la bourgeoisie (c’était mon cas), nous en rejetions le conservatisme. Chacun dans son domaine artistique, nous voulions renverser les codes de la création. La vie de bohème, en somme.
Ce mouvement n’a pas fait que m’inspirer un de mes opéras les plus célèbres, La Bohème. Il m’a aussi et surtout permis de rencontrer parmi mes plus chers amis et soutiens. Arrigo Boito, pour n’en citer qu’un, compositeur lui aussi, me permit de créer mon tout premier opéra en 1884, Le Villi.
1884, quelle belle année ! Car non content de ma vie de bohème, j’avais en plus mon petit côté séducteur. Cette année-là je m’enfuirai avec Elvira à Torre del Lago, loin des commérages citadins. Elle était une femme mariée avec deux enfants, et j’aimais son fort caractère. Malheureusement, sa force de caractère et sa jalousie ne firent pas de moi un compagnon fidèle : notre vie conjugale n’était pas de tout repos
Musetta’s Walts - La Bohème “Quando Me’n Vo”
“Quand Me’n Vo” est une valse lente chantée par le personnage de Musetta dans le célébrissime opéra La Bohême. Musetta chante cet air en présence de ses amis bohémiens, espérant regagner l’attention de son ancien amant Marcello.
Plus généralement, l’opéra s’inspire du livre d’Henry Murger Scènes de la vie de bohème et de son adaptation théâtrale La Vie de Bohème. Cette œuvre est tout à fait iconique du mouvement de la Scapigliatura. Puccini y met en scène une histoire d’amour réelle, au romantisme inné et inconscient bien loin des mariages d’intérêt mené par la bourgeoisie. D’un point de vue musical, Puccini s’éloigne décidément du lyrisme italien traditionnel notamment en proposant une nouvelle déclamation vocale qu’il appelle “conversation en musique” : à mi-chemin entre l’ancien récitatif et le parlato (qu’il avait développé dans La fille du Far-West.
Malgré tout, la vie à Torre del Lago me convenait plutôt bien. D’une part, je suis quelqu’un d’assez mal à l’aise en société, voire angoissé. On disait de moi que j’étais un peu “ours”. Il y avait aussi l’argument financier, car il faut rappeler qu’à l’époque je n’avais pas encore connu mes premiers succès : mon opéra Manon Lescaut n’arriva qu’en 1893. Toutefois, même avec le renom et la richesse que j’acquis grâce à La Bohème, Tosca ou encore Madame Butterfly, je restai bien installé à Torre del Lago, loin de la ville, bien au chaud dans ma vie d’ermite. Je pouvais composer sereinement et cela ne m’empêchait pas d’accueillir à bras ouverts les journalistes souhaitant découvrir mon univers.
Je pense que ce voeux de m’éloigner de la société a quelque chose à voir avec mon enfance. Je suis né en 1858 d’une famille de sept enfants. Je suis le premier garçon de ma fratrie : cinq soeurs aînées et un frère cadet. Mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient déjà d’importants compositeurs locaux - ainsi j’ai baigné dans la musique dès mes premiers pas. Puis en janvier 1864, mon père décède. Je me retrouvai être malgré moi le dernier héritier de la lignée des Puccini compositeurs, notamment de part mes dispositions prononcées pour cet art. La pression familiale se fit très vite ressentir, je pense que le fait de quitter l’effervescence urbaine de Milan pour Torre del Lago était ma façon de fuir cette pression.
Manon Lescaut
Un autre drame lyrique qui fit connaître à Puccini son premier véritable succès. C’est son troisième opéra, contruit en 4 actes et tiré de L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut.
Il est important de rappeler que Puccini s’attelle à une tâche déjà traitée par Massenet avant lui. Son objectif était alors de se démarquer de son confrère français et on peut dire que sur ce point, c’est réussi. Même s’il s’autorise des éléments archaïsants rappelant le style français du XVIIIème siècle, cela reste très ponctuel. Plus généralement, le traitement musical du récit s’attache à la mise en valeur de l’impossibilité tragique de l’amour entre Manon et Des Grieux. Cette œuvre est à confronter au traitement que Massenet ou encore Daniel Aubert font de cette même œuvre, afin de comprendre la profondeur et l’originalité de la création de Puccini.
En 1903, ma célébrité était déjà bien installée. Malgré tout, j’étais profondément malheureux. Toujours arborant une allure fière et élégant, j’étais cependant hanté par de sombres songes et de douloureux questionnements. “J’ai tellement besoin d’un ami, mais je n’en ai aucun. Je suis le seul à me comprendre et cela me fait énormément souffrir” écrvais-je à mon librettisite Luigi Illica. Cette même année, un accident de voiture me rend boîteux et l’idée de mourir me terrifie.
Je fis face à de nombreux échecs. Même si je garde la face, me faire huer lors de la création de Madame Butterfly me toucha profondément. Puis en 1906, un de mes chers librettistes, Giacosca, meurt. Je me lance ensuite dans un projet de “western lyrique” qui, malgré un premier succès, fut très vite boudé. Puis mon opérette, La Rondine n’arrangea rien - une œuvre assez médiocre en réalité. Puis je compose Le Triptyque, une suite d’opéras dans laquelle je fais succéder un épisode d’horreur, une tragédie sentimentale et une farce, qui connut un succès mitigé.
Nessun Dorma
Nessun Dorma est un air issu de l’ultime opéra de Giacomo Puccini, Turandot. Il est chanté par le personnage de Calaf, un ténor, au début du troisième acte. Rongé par la solitude, le personnage attend impatiemment le jour où il pourra gagner l’amour de Turandot.
L’envolée lyrique du ténor se termine sur deux “Vincero !”, le premier sur un Si, le second sur un La, deux notes assez aigues pour un ténor qui résonneront dans votre esprit bien longtemps après la première écoute. Alors que la passion du chanteur ne cesse de croître avec des notes répétées, l’orchestre s’engage dans un contrechant poignant aux harmonies amères. Cet air célébrissime est un incontournable de la musique de Puccini, véritable témoin de son immense talent de composition, signant là une mélodie qui trouve sans difficulté son chemin vers le coeur de celui qui l’écoute.
Nous sommes aujourd’hui en 1924 et on m’a diagnostiqué un cancer de la gorge. A l’heure où je vous écris ces mots, je tente tant bien que mal de terminer mon opéra Turandot : un conte tragique s’inspirant d’une légende chinoise où la mort est terrassée par l’amour. Je sais que cela sera mon ultime œuvre, et que je ne la terminerai pas. Je saisis alors une feuille de papier pour en faire une lettre au chef d’orchestre Arturo Toscanini. La main tremblante, je fais grincer ma plume pour inscrire ces mots : “Mon opéra sera donné inachevé. Quelqu’un montera alors sur la scène et dira au public : ici s’achève l’œuvre du maestro, il en était là quand il est mort”.
En 1926, lors de la création de Turandot, Arturo Toscanini exauça la dernière volonté de Giacomo Puccini. La salle, submergée par l’émotion, laissa passer quelques longues secondes de silence. Puis, ravalant ses larmes, le public se leva et éclata en une ultime ovation à Puccini, saluant ainsi l’ensemble de son œuvre. “Vous verrez que j’ai raison” disait-il. Il n’avait pas menti. Même si ses œuvres ne firent pas toujours l’unanimité, les compositions de Puccini méritent leur place au panthéon des œuvres majeures, et il est aujourd’hui une incontournable référence de la musique classique.
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